Rappel historique du Trésor

Le Trésor Malien, conçu au départ comme partie intégrante du système français est resté longtemps confiné dans ses tâches traditionnelles d’exécutant du budget et de caissier de l’Etat.

Il faut cependant dire que malgré quelques imperfections, un certain nombre de réformes plus ou moins significatives ont été introduites, notamment à partir de 1973 avec la création d’une Direction Nationale du Trésor et de la Comptabilité Publique, de l’Agence Comptable Centrale et des Trésoreries régionales.

Ainsi, le Trésor Malien, conçu et organisé au départ à l’image du trésor français dont il est encore largement tributaire, est de nos jours en pleine mutation et nous espérons que les différentes réformes déjà intervenues et à introduire nous doterons dans un avenir très proche d’une institution apte à répondre aux impératifs et aux exigences de notre économie nationale.

Le visage de la comptabilité publique au Mali a sans doute davantage changé au cours de ces deux dernières décennies qu’il ne l’avait fait au cours des vingt années qui ont suivi l‘indépendance en 1960.

La comptabilité de l’Etat, qui n’a pas échappé à l’inéluctable loi de l’évolution, est, de nos jours, passée de la conception de la comptabilité « moyen de contrôle », à celle de la comptabilité « moyen d’information » nécessaire à l’Etat moderne. Néanmoins, la comptabilité ayant d’une manière générale, le triple but de contrôler, de garder la mémoire et de renseigner, c’est surtout ce dernier objectif dont se préoccupèrent davantage les autorités financières face à la diversité et à la complexité des activités de l’Etat moderne, ceci, bien entendu, après que les deux premier eurent été atteint.

La suite va nous montrer que l’évolution de la comptabilité de l’Etat a procédé de l’instauration progressive de règles diverses et complémentaires dans la transcription des opérations financières de l’Etat, et qui sont devenues ainsi, les règles traditionnelles de la comptabilité publique.

Mais ce changement ne s’est pas opéré brusquement, à une époque précise. C’est pour cette raison que nous allons essayer de présenter ici l’histoire du Trésor malien en deux étapes : D’abord l’organisation des services du Trésor avant l’indépendance, ensuite, après l’indépendance et jusqu’à la période récente qui a vu la mise en place des structures actuelles.

Avant L’indépendance

L’histoire de la comptabilité de l’Etat au Mali comme dans la plupart des pays Africains ne commence pas seulement avec le phénomène de la colonisation. En effet, les récits de la période anté-coloniale ainsi que les différents « Tariks » nous enseignent que, sur un modèle différent, il est vrai, a existé et s’est développée, dans les royaumes et empires successifs une forme d’organisation de l’autorité institutionnelle dans ses attributions financières.

Les tariks et autres récits de griots nous enseignent en particulier que sous les empereurs Soundiata (Manding) et Sony Ali Ber (Songhaï) par exemple, la cassette royale étant gérée selon des techniques, des règles et des procédures dont l’ingéniosité était tout simplement admirable.

Quant vers la fin du XIXè siècle débute au Mali la conquête coloniale, la France disposait déjà d’un système de comptabilité publique, connaissant un embryon de législation en la matière à travers notamment la loi du 25 mars 1817, modifiée et complétée en 1838 et 1859.

Ce dispositif législatif et réglementaire s’accomplira ensuite par le fameux décret du 31 mars 1862 dont les principes fondamentaux constituent, de nos jours encore, la charpente de l’édifice des finances publiques de type français.

En tant que colonie, le Soudan français était dirigé par un gouverneur assisté d’un Conseil disposant d’une administration au sein de laquelle le Trésor exécutait les opérations du budget de l’Etat et du service local à la fois. Mais la colonie ne possédait pas d’autonomie financière puisque les finances coloniales étaient rattachées au budget de la Métropole. L’année 1895 voit la création du premier regroupement de colonies en Afrique avec la constitution de ce qu’on appelait l’Afrique Occidentale Française (A.O.F), dirigée par un gouverneur général ayant siège à Dakar au Sénégal. Il a fallu attendre 1900 pour que la loi de finances unifie le statut financier des Territoires d’Outre – Mer, qui se voient accorder ainsi l’autonomie financière.

Le régime financier du 30 décembre 1912 viendra enfin couronner cette évolution législative et réglementaire, qui consacre aussi bien au niveau du territoire que du groupe de territoires, les grandes lignes de l’organisation des services du Trésor.

En ce qui concerne le groupe des territoires de l’A.O.F, les structures du Trésor étaient organisées pour exécuter le budget général.

En effet, le premier budget général de l’A.O.F a été mis en place par décret du 1er Octobre 1902. Il regroupait les dépenses d’intérêt commun notamment les dépenses civiles, les dépenses militaires étant prises en compte par le budget de la Métropole, dépenses d’intérêt commun gagées sur des recettes dont la nature était laissée à l’appréciation du Gouvernement Général. Des budgets annexes ou comptes spéciaux pouvaient accompagner le budget général dont le Gouverneur était l’Ordonnateur. Le trésorier général en assurait l’exécution avec les comptables secondaires placés sous son autorité et dont il centralisait les écritures à son niveau. Le trésorier général était le chef hiérarchique de tous les comptables du Trésor de l’A.O.F qu’il représente auprès du Gouverneur Général.

Pendant ce temps au Soudan, dans l’exécution cohabitaient plusieurs catégories de budgets : budget de l’Etat, budget local, budgets annexes ou comptes spéciaux du Trésor. Le budget local du Soudan regroupait les dépenses d’intérêt local et les recettes autres que celles dévolues au Gouvernement général, notamment les droits indirects, les impôts directs. Le trésorier payeur général au niveau de la capitale se trouvait au sommet de la hiérarchie des comptables directs du trésor. Pour l’exécution de la loi de finances, il avait sous son autorité des comptables secondaires : les préposés du Trésor, appelés payeurs, qui étaient installés dans les chefs –lieux de circonscriptions et les agents spéciaux aux niveaux des cercles. Ils étaient chargés du recouvrement des impôts, revenus et produits locaux et du paiement des dépenses locales. Les agences spéciales étaient instituées par le Gouverneur sous réserve de l’approbation des Ministres des finances et des colonies. Les agents spéciaux dépendaient donc de l’autorité administrative et non du comptable. Les payeurs quant à eux, étaient nommés par arrêté du Gouverneur, sur proposition du Trésorier-Payeur, et sous la surveillance de ce dernier. Le Trésorier-Payeur était nommé par décret, sur proposition du Ministre des finances, après avis du Ministre des colonies.

En résumé, on peut retenir qu’au cours de cette période, la Trésorerie du Soudan, créée à l’image « du Trésor français », a fonctionné comme simple exécutant de la loi de finances, sa fonction la plus dynamique, celle de banquier de l’Etat, étant quelque peu tombée en « quenouille ». Cette période a été marquée par une certaine monotonie car elle n’a pas enregistré de grands changements ni dans les structures, ni dans les procédures comptables, réduites à leur plus simple expression. Nous sommes en effet encore à une époque où compte tenu du nombre très restreint des opérations et de leur extrême simplicité, un seul homme était capable de retenir de mémoire la presque totalité des comptes de la nomenclature. Cette dernière ne comportant à l’époque qu’une dizaine de comptes principaux à trois chiffres (100 à 109). Ensuite, pour chaque classe de comptes venaient les sous-comptes utiles à quatre chiffres et les comptes divisionnaires à cinq/six chiffres. Ils n’obéissent pas au système de la numérotation décimale. Il n’y avait ni comptes de transferts, ni comptabilisation de droits constatés, sauf pour les dépenses qui étaient prises en compte dès leur visa. Il n’y avait par conséquent pas, en fin de gestion, de résultat de type patrimonial.

Seul le solde d’exécution de la loi de finances était dégagé pour donner lieu soit à un découvert du Trésor, soit à un fonds de réserve.

Après l’Indépendance

Le service du Trésor a été créé par l’Ordonnance N°12/PG du 14 septembre 1960 portant création « d’un Trésor au Mali en République Soudanaise ».

Ce premier texte organique comportait sept (07) articles qui procèdent à la création du service, à la fixation de ses attributions et à la désignation du mode de nomination des comptables publics chargés de son fonctionnement. C’est ainsi en effet que :

L’article 2 : indiquait que : « Le service du Trésor du Mali assure l’exécution du budget du Mali, du budget de la République Soudanaise, des budgets des Collectivités secondaires et des Etablissements Publics.

Il peut être habilité à tenir des Comptes Spéciaux ouverts par arrêté du Ministre des finances ».

L’article 5, quant à lui, disposait que « Le Trésorier-payeur et les Payeurs sont nommés en Conseil des Ministres.

Les créations et suppressions de postes comptables sont prononcées par décret du Président du Conseil en Conseil des Ministres ».

Le service a donc dû fonctionner pendant plus d’une décennie, avec cette organisation sommaire, des moyens matériels et humains très limités et l’assistance de techniciens français. Il faut noter au passage que le Trésor a été le dernier service à se détacher de l’administration coloniale.

Au cours de cette période, le seul changement notable fut la suppression des agences spéciales consécutive à celle des articles 87 à 93 de l’Ordonnance 46 bis portant règlement financier en République du Mali.

La première réforme significative a été introduite par la Loi N°67-12/AN-RM du 13 avril 1967 qui érige le Trésor du Mali en Direction Nationale du Trésor, des Banques et des Assurances. Toutefois, malgré la création de cet organe central, les services extérieurs sont restés sans changement, créant ainsi un bicéphalisme, entre la nouvelle Direction et la Trésorerie générale qui procédait au contrôle et à la centralisation des opérations de tous les autres postes comptables. De la même manière, le cadre ainsi que les procédures comptables sont restés inchangés.

Les services du Trésor ont donc continué de fonctionner sans organe central de conception, de coordination et d’inspection générale. Aussi, la Trésorerie générale, confinée dans ses tâches de simple caissier de l’Etat, était au sommet de la hiérarchie des comptables subordonnés dont il vérifiait et centralisait les opérations, jouant ainsi de fait le rôle de Direction de la Comptabilité publique.

Outre la Trésorerie générale à Bamako, il y avait les « Paieries du Trésor » au niveau de chaque chef-lieu de région, les Recettes – Perceptions aux niveaux des Communes et les Perceptions aux niveaux des chef-lieu de Cercles.

Auprès de chaque Ambassade ou Consulat du Mali à l’étranger, a été placé un Secrétaire Agent Comptable relevant techniquement de la Trésorerie Générale.

Au terme de cette réforme, le service du Trésor du Mali assurait l’exécution du budget du Mali, du budget de la République Soudanaise, des budgets des Collectivités secondaires et des Etablissements Publics. Il était habilité à tenir des comptes spéciaux.

Aussi, loin de résoudre les problèmes fondamentaux auxquels le Trésor était confronté à l’époque, la réforme de 1967, faute de préciser les rôles et les attributions des uns et des autres, a introduit un bicéphalisme et des conflits de compétence, qui ont été à la base des disfonctionnements qu’a connu l’administration du Trésor.

La réforme fondamentale de 1973

Il a donc fallu attendre l’année 1973 pour voir intervenir la réforme la plus significative avec l’avènement de l’Ordonnance N°55/CMLN du 9 octobre 1973 qui transforme la Direction Nationale du Trésor, des Banques et des Assurances (DNTBA) en Direction Nationale du Trésor et de la Comptabilité Publique (DNTCP)

Cette Loi et ses Décrets d’application : 119, 144 et 168/PG-RM des 19 septembre, 12 octobre et 24 novembre 1973 ont donné un visage nouveau à l’administration du Trésor qui comprend désormais :

  • un Organe Central doté de six services centraux dont les attributions sont précisées. Ces mêmes textes précisent le mode de nomination du Directeur National, de son adjoint ainsi que celui des chefs de services.
  • des Services Extérieurs relevant de la Direction et comprenant les postes comptables directs du Trésor d’une part, (l’Agence Comptable Centrale du Trésor, les Trésoreries Régionales, les Recettes-Perceptions, et les Perceptions), ainsi que les postes comptables auprès des Ambassades du Mali à l’étranger, et, d’autre part, les postes comptables spéciaux : budgets annexes, Régies des recettes, Régies d’Avances et Régies financières.

Le Décret n°168/PG-RM a procédé à la création des Trésoreries Régionales à Kayes, Bamako, Sikasso, Ségou, Mopti et Gao.

La grande innovation ici, c’est la disparition de l’ancienne Trésorerie Générale et l’avènement de deux catégories de comptables supérieurs de même rang hiérarchique, relevant tous de la Direction Nationale du Trésor et de la Comptabilité Publique : l’Agent Comptable Central du Trésor et les Trésoriers-payeurs Régionaux (anciens payeurs).

En outre, les mêmes textes fixent les attributions des uns et des autres.

Avec cette réforme, on assiste incontestablement à une déconcentration ainsi qu’à une décentralisation des structures et aussi à la hiérarchisation et à la fixation des attributions des uns et des autres.

Cet effort a été poursuivi en 1981 à travers la Loi N°81-05/AN-RM du 03 mars 1981 portant création de la Recette Générale du District de Bamako (R.G.D) ainsi que le Décret N°189/PG-RM de juillet 1981 portant organisation des services comptables du Trésor.

La réforme de années 90

En 1990 et 1992, l’administration du Trésor connu une réforme majeure se traduisant par :

  • la Loi N°90-90/AN-RM du 15 septembre 1990 portant création de la Direction Nationale du Trésor et de la Comptabilité Publique (D.N.T.C.P),

Ce texte réduit l’autorité du Trésor sur les institutions financière et monétaire en lui assignant la collecte des données et non plus le contrôle de leurs activités.

  • les lois 90-91 et 90-93/AN-RM du 15 septembre 1990 portant création de l’Agence Comptable Centrale du Trésor (A.C.C.T) et de la Recette Générale du District de Bamako (R.G.D),
  • les décrets d’application qui en découlent (90-411, 90-412, 90-413, 90-433).

La réforme de 2002

En 2002, la réforme de la Direction Nationale du Trésor et de la Comptabilité Publique a été consacrée par un train de textes fixant sa création et celle de ses services rattachés ainsi que les modalités d’organisation et de fonctionnement. Il s’agit de :

  • l’Ordonnance N°02-030 du 04 mars 2002 portant création de la Direction Nationale du Trésor et de la Comptabilité Publique est un service central placé sous la tutelle du Ministère de l’Économie et des Finances.
  • l’Ordonnance N°02-031/P-RM du 04 mars 2002 portant création de l’Agence Comptable Centrale du Trésor ;
  • l’Ordonnance N° 02 – 032/P- RM du 04 mars 2002 portant création de la Paierie Générale du Trésor ;
  • l’Ordonnance N°02 – 033 /P-RM du 04 mars 2002 portant création de la Recette Générale du District ;
  • le Décret N°02-127/P-RM du 15 mars 2002 fixe l’organisation et les modalités de fonctionnement de la Direction Nationale du Trésor et de la Comptabilité Publique ;
  • le Décret N°02- 130 /P-RM du 15 mars 2002 fixant les modalités d’organisation et de son fonctionnement de l’Agence Comptable Centrale du Trésor ;
  • le Décret N°02- 129 /P-RM du 15 mars 2002 fixant les modalités d’organisation et de son fonctionnement de la Recette Générale du District ;
  • Le Décret N°02- 130/P-RM du 15 mars 2002 fixant les modalités d’organisation et de fonctionnement de la Paierie Générale du Trésor.

Cette réforme de 2002 a principalement créé la Paierie Générale du Trésor et a confié à l’ACCT le rôle de gestionnaire de la Trésorerie de l’Etat et de poste comptable centralisateur des opérations des autres comptables supérieurs.

Après 64 ans d’existence, le défi actuel de la Direction Nationale du Trésor et de la Comptabilité Publique est de faire une réforme majeure de son organisation et de fonctionnement pour faire face notamment à l’évolution de l’environnement de l’administration publique et de celui des finances publiques.

Source : Archives DNTCP